Estivales de la Question animale

27 juillet 2012 - Pierre Sigler

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La conscience de soi sous toutes ses formes chez les animaux non-humains

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Introduction par l'auteur

Si la plupart des gens conviennent qu'il ne faut pas faire souffrir les animaux sans nécessité, beaucoup tiennent au droit que s'arrogent les humains de les tuer pour des raisons dérisoires. La justification souvent invoquée est que les animaux, à l'exception peut-être des grands singes, n'ont pas conscience d'eux-mêmes, a fortiori n'ont pas la capacité de se projeter dans l'avenir, et par conséquent n'ont pas d'intérêt à vivre.

Or, la recherche en éthologie cognitive a établi que de nombreux animaux sont dotés d'une conscience de soi et de capacités connexes (comme l'introspection), ce qui est remarquable, dans la mesure où, en l'absence de langage, nous n'avons accès qu'au comportement des animaux, pas à leurs pensées. Mais les chercheurs ne manquent pas d'ingéniosité pour « questionner » les animaux non langagiers (y compris les bébés humains).

Je présenterai l'état actuel de la recherche en psychologie animale sur cinq capacités cognitives, que l'on a longtemps cru propres aux humains :

  1. La conscience de soi
  2. La théorie de l'esprit
  3. La métacognition
  4. La mémoire épisodique
  5. L'anticipation

Revivre la conférence

Pierre Sigler

58 personnes


Deux retranscritpions ont été écrites, une par Sarah Fergé, une autre par David Olivier, les voici côte à côte :

par Sarah Fergé par David Oliver

Éthologie cognitive (=branche de l'éthologie qui s'occupe de qui se passe dans la tête). La plupart des études se sont faites après l'an 2000, évolution des connaissances très rapides.

On considère que la conscience de soi est moralement pertinente dans la manière dont on doit traiter qqn. On nous dit que si un animal n'a pas conscience qu'il existe, il n'a pas d'intérêt à rester en vie donc on peut le tuer. Dans le débat avec le spécisme, c'est un argument qui revient : les animaux souffrent donc il ne faut pas leur faire du mal mais on peut quand même les tuer.


Conscience de soi : capacité à se voir comme un individu distinct du monde extérieur.


Je me fonde presque exclusivement sur des expériences de laboratoire parce que la plupart des études sont de ce type. Bien sûr, il y a des défauts.

  • le pb éthique car c'est de l'expérimentation animale, même si ce ne sont pas des expériences violentes.

  • les tâches demandées et l'environnement sont artificiels. Vincianne Desprest utilise le terme « académicocentrisme » : en voulant éviter l'anthropomorphisme des observations de terrain, on crée un terrain aseptisé, qui ressemble à un environnement scolaire.

  • il y a une absence de convivialité, alors qu'on apprend mieux dans des situations conviviales.

Il y a quand même un avantage,la solidité scientifique des résultats :

  • on est dans un environnement contrôlé.

  • les explications alternatives sont testées, on peut tester des hypothèses

  • faible risque anthropomorphique chez les expérimentateurs car bon nombre d'entre eux ont fait des dissections dans leur carrière ou des expérimentations douloureuses, donc on ne les soupçonne pas d'être anthropomorphiques.


Exemple projeté avec un singe rhésus qui fait un exercice sur un écran tactile : l'environnement est austère pour que le singe ne soit pas distrait ; on entend un jingle pour indiquer à l'animal qu'il a bien répondu (on ne lui donne pas toujours des friandises car le singe serait vite écœuré et ça durerait moins longtemps). Les animaux travaillent en général une heure par jour. Le labo est à Atlanta, il s'occupe des primates. Il y a un groupe de vingt rhésus qui vivent dans un enclos assez large. Régulièrement, on en recrute quelques-uns pour les faire travailler.


Comment détecter la conscience de soi chez les individus ne parlant pas ?


Le test du miroir est la méthode classique pour tester cette capacité. Au départ, on mettait les enfants devant un miroir pour voir ce qui se passait. Un primatologue a créé une variante pour l'appliquer aux singes : on met l'animal devant un miroir. Quand l'animal est habitué, on l'endort et on lui peint une tache sur le front. A son réveil, on guette sa réaction : si l'animal touche sa tache, ça signifie qu'il a compris ce qu'il y avait dans le reflet, qu'il possède une conscience de soi.


Les animaux qui y arrivent sont certains chimpanzés, bonobos, gorilles, macaques, éléphants, dauphins, orques, lions de mer, corbeaux, pies et perroquets.


Les limites de ce test : si l'animal touche son front, c'est convaincant, mais s'il ne le fait pas, ce n'est pas une preuve qu'il ne comprend pas le principe du miroir. Par exemple, la plupart des gorilles ne réussissent pas le test car ils n'osent pas regarder dans les yeux leur reflet, ils ne regardent pas non plus leurs congénères dans les yeux. Par ailleurs, pour certains, la vue n'est pas leur sens dominant. Il y a aussi l'indifférence pour le miroir et la tache peut l'indifférer.


Quand on fait le test aux macaques, il s'en moquent, mais ils savent utiliser le miroir car si un soigneur vient avec une banane derrière, ils se retournent. S'ils voient un implant, ils essaient de l'ôter, car ils sont plus mal à l'aise avec un objet qu'on leur implante qu'avec une tache. Les pigeons se désintéressent de la tache mais se reconnaissent sur une vidéo. (Toda & Watanabe 2008).


Il y a une variante avec les cochons. On place huit cochons cinq heures dans un enclos. Ils sont face au miroir. Quand ils s'y habituent, on place un bol de nourriture qu'ils ne peuvent voir qu'à travers son reflet dans le miroir. S'ils ne comprennent pas le principe du miroir, croient que c'est une vitre, ils veulent contourner le miroir pour chercher derrière. Sur les huit cochons qui ont été habitués au miroir, un est naïf, les sept autres contournent la barrière pour aller chercher le bol : ils ont compris le fonctionnement du miroir. Ça suggère qu'ils se reconnaissent dans le miroir, puisque la pièce était complètement nue et que seuls eux s'y reflétaient.


Se mettre à la place d'autrui


Théorie de l'esprit : se représenter l'esprit d'autrui.

Empathie : se représenter les émotions d'autrui.

Bienveillance : vouloir le bien d'autrui.

Il ne faut pas confondre ces trois notions. Les psychopathes sont empathiques mais ne sont pas bienveillants. Les autistes souffrent de déficit d'empathie ou/et de théorie de l'esprit mais son bienveillants.


Empathie + bienveillance = sollicitude.


La contagion émotionnelle


C'est la forme la plus basique d'empathie. Éprouver les émotions d'autrui (avoir peur quand tout le monde a peur, rire quand tout le monde rit). Tous les animaux sociaux l'ont. Langford et al. (2006) ont remarqué que la souffrance des souris est plus importante quand ils entendent d'autres souris souffrir aussi. Si on a fait souffrir une souris devant une autre, la dernière aura plus de douleur quand on la fera souffrir à son tour. Plus cette souffrance touchera un proche, plus cette empathie sera marquée.

Le b-a-ba de la sollicitude est de ne pas nuire. Si un animal a l'habitude de recevoir de la nourriture en appuyant sur un bouton et qu'on introduit une variante qui consiste à accompagner cette arrivée de nourriture d'un choc électrique, l'animal diminue les pressions sur le bouton. Certains ne prennent même plus de nourriture. Plus il y a une proximité émotionnelle entre les deux animaux, plus la sollicitude est marquée.


Est-ce qu'un animal peut agir activement pour le bien d'autrui ?


Il y a eu une expérience intéressante sur les rats en décembre 2011. On place un rat libre et un rat enfermé dans un tube. Le rat libre ne sait pas comment ouvrir le tube pour délivrer le rat. Les deux rats ont passé deux semaines ensemble (à l'échelle de la vie d'un rat, c'est long). Le rat essaie de libérer son compagnon. Il explore tous les recoins du tube pour trouver la faille. Sur 30 rats, 23 trouvent le moyen d'ouvrir le tube au moyen de 5 à 7 heures. (donc 5 à 7 jours, puisque ce sont des sessions d'une heure par jour). La première fois qu'il ouvre, c'est une réaction de surprise. Les autres fois, quand ils ouvrent, ils sont plus rapides et ne sont plus surpris.


Variantes de cette expérience


La variante la plus simple est de faire le test avec le tube vide, pour s'assurer que le rat voulait bien délivrer son camarade. Les rats en contact avec un tube vide s'en désintéressent.

Leur intention est donc bien de libérer leur congénère.


Peut-être que les rats sont égoïstes et veulent juste de la compagnie. Dans les variante avec des cages séparées, les rats libèrent quand même leurs camarades.


Il y a aussi une variante avec des rats qui savent déjà comment ouvrir le tube : expérience avec leurs congénères dans un tube et le chocolat dans un autre. Là, ils ont la possibilité d'ouvrir le tube contenant le chocolat puis le tube contenant le congénère. La plupart ouvrent d'abord le tube de chocolat, leur en laisse un peu (1,5 dose pour 5), puis délivrent leur congénère.


La théorie de l'esprit


Il s'agit d'attribuer à autrui des croyances, des intentions et des buts.


Premack & Woodruff (1978)

Il y a des cas de tromperie fréquents chez les animaux décrits chez V. Desprest. On donne de la nourriture très limitée chez les rats. Un jeune s'approche, un mâle plus âgé s'approche. Le jeune fait l'innocent. Le vieux s'en va. Le jeune va vers la nourriture et le vieux sort du fourré, il avait trouvé l'attitude du jeune louche.


Beaucoup d'études sur la théorie de l'esprit chez les primates. Test de fausse croyance. Ils sont capables de savoir qui sait quelque chose et qui ne sait pas cette chose. Mais ils ne savent pas qui croit faussement quelque chose. Théorie de l'esprit partielle à la nôtre, qui inclut de fausses croyances.


Les geais buissonniers sont des oiseaux qui ont l'habitude de cacher de la nourriture dans la nature, ce sont des sortes de corbeaux et ils adorent les vers. Ils ont l'habitude de voler les réserves des autres. S'ils ont une théorie de l'esprit, ils ont intérêt à cacher leur nourriture.

Une première expérience, sortie en 2005 dans Animal Behaviour :

On utilise une cachette : un bac à glaçons rempli de croquettes de maïs. Les oiseaux cachent leurs vers dessous.


On donne la possibilité à des geais de cacher des vers. Un autre geai (l'observateur) peut voir une partie de la cage. Dans l'autre cas, le premier geai est complètement caché.

Dans le premier cas de figure, on voit que le geai cache ses vers hors de la vue de leur observateur.


Quand l'observateur est le partenaire (les geais buissonniers vivent en couple) il n'y a pas de dissimulation. En revanche, quand il s'agit d'un rival, la dissimulation est beaucoup plus marquée.


Quand l'observateur quitte la scène, les tactiques anti-vol continuent.


Cette série d'expérience est convaincante car on a testé toutes les hypothèses. Le geais buissonniers ont une théorie de l'espèce.


La métacognition


C'est le fait de savoir qu'on sait quelque chose ou savoir qu'on ignore quelque chose. On a cru que c'était lié au langage car les enfants font des rapports verbaux métacognitifs vers trois quatre ans.


Chez le rat, Foote et Crystal (2007)

C'est un test de discrimination d'un stimulus. Ici, c'est un son plus ou moins court ou plus ou moins long.


1ère étape : phase d'étude, le rat entend le son (de 2 à 8 secondes). Les rats testés sont huit mâles. Quand le rat entend le son, il doit dire s'il est court ou long. S'il sait distinguer le son court du son long, il gagne six croquettes, s'il se trompe, il n'y en a aucune. S'il refuse de répondre, il gagne trois croquettes. Parfois, une fois sur trois, il est obligé de répondre. S'il a une métacognition, il aura une meilleure performance quand il choisit de répondre que quand il répond de manière forcée. Les rats réussissent mieux quand ils ont la possibilité de décliner le test.


Les difficultés d'interprétation des méthodes métacognitives


Test de densité : on montre un écran à un singe avec un certain nb de pixels, il doit classer l'image selon qu'elle est dense ou éparse. La réponse d'évitement est fréquente quand le nb de pixels est modéré (ni dense, ni éparse). Quand un humain fait la même expérience, il y a à peu près la même courbe.


Autre étude sur deux singes rhésus qui ont déjà travaillé sur ordinateur :

On projette une image. On laisse un délai. Il accepte s'il veut jouer ou pas. S'il refuse, il gagne une croquette à la banane. S'il accepte et qu'il ne se souvient pas de l'image, il ne gagne rien. S'il accepte et qu'il se souvient de l'image, il gagne une croquette à la cacahuète (préférable à la croquette à la banane). Quand ils ont le choix entre répondre ou non, ils ont de meilleurs résultats.

Plus le délai est long entre l'image et la réponse, plus ils refusent de répondre.


Jugement prospectif des rats


Kepecs et al. (2008)

Il y a deux types d'odeur, l'odeur A et l'odeur B. On leur propose un mélange avec des compositions différentes, la plus difficile étant 56% de A et 44% de B.

On pose des électrodes à travers le crâne des rats pour capter l'activité des neurones. Avant qu'on indique aux animaux la bonne réponse, certains s'activent parce qu'ils ont mal répondu, d'autres s'activent quand ils ont bien répondu. Si on leur donne la possibilité de refaire le test, il peut changer sa réponse, ils le font d'autant plus souvent qu'ils se sont trompés. Ça montre que le rat a un jugement prospectif sur sa réponse.


La confiance en soi des oiseaux


Expérience avec des pigeons et des poules. Akamura & al. (2011)

L'oiseau tape deux fois avec son bec pour commencer l'expérience. On lui montre quatre points de couleur dont un point est de couleur différente. L'oiseau doit chercher l'intrus. Après avoir répondu, l'oiseau peut valider sa réponse ou refuser.

Si les oiseaux s'étaient fondés sur la difficulté des questions, il devraient choisir l'option sûre d'autant plus souvent sur les questions difficiles. Ce n'est pas ce qu'ils font. A niveau de difficulté donné, ils choisissent l'option « sûre » (= ils refusent de répondre) d'autant plus souvent qu'ils se sont trompés.

Ils sont capables de généraliser l'option « sure » sur une tâche nouvelle.


Métacognition et théorie de l'esprit


Chez les enfants humains, la métacognition et la théorie de développement se développent simultanément.

Ils sont capables, dès un an, de généraliser aux autres une connaissance métacognitive. (test du bandeau) C'est la même intrication qu'on observe chez l'animal. (Emery & Clayton, 2001)


La mémoire épisodique


Elle désigne la faculté de se souvenir d'un événement particulier dans son contexte temporel, de lieu... Souvent, les amnésiques perdent juste la mémoire épisodique.

On comprend l'utilité de la mémoire épisodique. Un animal peut optimiser sa recherche de nourriture grâce à sa mémoire épisodique (se souvenir qu'il a déjà brouté un champ), échapper aux prédateurs (connaître les habitudes des prédateurs...)


L'anticipation


Il y a une symétrie entre la mémoire épisodique et la capacité de se projeter dans l'avenir.

Cette anticipation s'est manifestée dans les expériences déjà abordées (les geais dissimulateurs, les singes rhésus, les rats libérateurs...)


On peut montrer que les poules sont capables de self-control. Si elles appuient tout de suite sur un bouton, elles ont un bonbon mais elles en ont trois si elles attendent vingt secondes. Elles sont capables d'attendre.

Des macaques doivent déplacer un curseur avec un joystick s'activent une première fois avant que le test ne commence.


On donne le choix à des singes entre prendre deux ou quatre cacahuètes. 90% choisissent quatre cacahuètes. Si le singe a pris deux cacahuètes, l'expérimentateur revient et lui donne dix cacahuètes. Du coup, les singes ne prennent plus que deux cacahuètes spontanément.


Les samaï anticipent leur soif future, après avoir mangé des dattes.


L'anticipation chez les grands singes


Les bonobos et les orangs-outangs ont besoin de deux outils pour actionner un dispositif qui libère une récompense. On leur met à disposition deux outils utiles et six outils inutiles, sans qu'ils soient devant le dispositif. On les ramène devant l'expérience, les singes prennent les bons outils et les conservent en salle d'attente en vue d'activer le dispositif une heure après.


La conscience de soi était le dernier carré du propre de l'homme. Si on suit les théories morales en vigueur, on peut conclure qu'il ne faut pas tuer les animaux.


Débat


Isabelle : Y a-t-il des études sur la conscience de la mort, car on justifie le fait de les tuer en disant qu'ils n'ont pas de conscience de la mort ?


PS : Je n'en ai pas trouvé. J'aurais aussi aimé trouvé des études sur les poissons mais je n'en ai pas trouvé non plus.


Anou : Dominique Lestel avait vu des singes qui ont enterré un congénère.


Joël : Quelle est la part de la rationalité de l'esprit humain sur la compréhension de l'instinct animal ? Est-ce que l'être humain rationnel est sensible à l'irrationalité l'animal ? Donner des croquettes à un animal, n'est-ce pas essayer de rationaliser l'irrationnel ?


PS : L'idée est de déterminer ou non si un animal a telle ou telle capacité cognitive, mais on ne peut réussir le test que si on a cette capacité. Beaucoup de recherches dans les labos partent d'observation, c'est pourquoi on choisit telle ou telle espèce.


Joël : Peut-on vraiment parler de conscience ?


PS : Je ne m'occupais pas de la conscience phénoménale, de la sentience. Dans les études de labo, on exclut l'étude de la sentience. On peut supposer que, comme chez les humains, la métacognition se fait de manière sentiente.


Joël : Ces études-là ne concernent que des animaux émergés dans les laboratoires et un nombre limité d'espèces.


David : On dit que la conscience de soi est particulièrement importante. Si quelqu'un souffre on se moque de savoir s'il a conscience de soi.


PS : C'est pour la question de tuer. Est-ce que c'est mal de tuer un individu ? Seulement s'il a conscience de soi, dit Singer.


David : Singer pense ça sur la pensée d'idées préalables obsédés d'individualisation. C'est une obsession individualiste et fondée sur la séparation des individus. Je ne suis pas d'accord avec Singer là-dessus parce que je ne crois pas à l'identité personnelle. Quand on demande aux animaux d'avoir conscience de soi, on leur demande d'avoir une croyance erronée, mal définie.


PS : Dans ma présentation, j'ai été agnostique sur la question de savoir s'il l'humain a une essence persistante. Ce qu'on appelle conscience de soi entre la relation causale entre Pierre à T0, T1...

Je ne vois pas comment pourrait fonctionner une métacognition sans qu'on sache qu'on existe.


Yves : A partir du moment où un être est sentient, il a une conscience de soi et du monde. J'ai toujours été étonné par cette polarisation mise sur cette histoire de tache sur le front. Par rapport aux enfants humains, ils reconnaissent à quel âge qu'ils ont une tache sur le front ? Un an ? Pourtant, même avant ça, ils ont une conscience de soi. La première forme de la conscience de soi, c'est la sentience.


Virgile : Pour moi, la sentience, c'est la persistance de soi. La conscience de soi est plus difficile à définir. On peut être observateur, sans avoir idée de ce qu'on est. L'idée de David qui est qu'on peut ressentir des choses sans pour autant être un soi persistant est un point scientifique qu'on ne peut pas étudier puisqu'on serait nous-mêmes en train de nous étudier nous-mêmes. J'ai la conviction d'une persistance du moi, sans pouvoir le prouver.


PS : La métacognition chez les humains est extrêmement limitée. Par exemple, je ne réfléchis pas sur tout ce que je fais, il n'y a pas de métacognition sur le traitement du cerveau des données brutes, on n'a que l'image finale.


Damien : Ça m'a fait penser aux enfants élevés par les loups qui n'ont pas les mêmes codes de pensée, le langage. Ils sont plus comme des loups que comme des humains.


Dominique : On peut faire la confusion entre conscience de soi et identité. L'identité on la définir comme la capacité à donner sens à ses comportements, capacité à interagir sur l'autre sans se confondre avec l'autre.

Les analogies avec l'enfant qui ne possède pas le langage articulé et les animaux est très importante.

Les chercheurs humains ont tendance à nier chez l'animal le fait de penser, d'élaborer des théories.


PS : Il y a beaucoup d'études sur la permanence des objets. Est-ce qu'un animal a conscience qu'un objet est toujours présent sans qu'il soit présent sensoriellement ? Apparemment oui.


Christophe : C'est un bon exposé de preuve de conscience chez les animaux. Mon problème est que si on arrive à prouver que les animaux ont une conscience ou une intelligence, est-ce que devenir cognitophage (= manger un être qui a une conscience) est un crime ?

Est-ce qu'on doit se fonder là-dessus pour interdire la consommation de viande ?


Isabelle : C'est une réponse à ceux qui prétendent qu'on peut les manger parce qu'ils n'ont pas de conscience.


PS : Il y a d'autres raisons de ne pas manger les animaux que le fait de se demander s'il a une conscience de soi ou non. Si un individu est sentient, on ne doit pas le manger.


Christophe : La sentience est un critère anthropomorphique.


David : Il faut bien qu'il y ait un critère. On ne maltraite pas les végétaux car ils ne sont pas sentients.


Christophe : Il y a plus de différences entre la pierre et le végétal qu'entre le végétal et l'homme. Je pense que le végétal désire vivre.


Isabelle : Y a-t-il eu des tests montrant que ces animaux avaient un plaisir d'apprendre ?


PS : Il y a des animaux que ça amuse d'aller jouer sur l'ordinateur (singes, pigeons...) Il y a des animaux plus faciles à manipuler que d'autres (rats, rhésus...) alors que certains refusent (les gorilles se désintéressent de l'exercice). Il ne faut pas se contenter des expériences de laboratoire.


Dominique : En ce qui concerne le cri de la carotte, je réponds simplement : est-ce que vous faites la différence entre si on vous coupe les cheveux et si on vous coupe un doigt ?


Christophe : Je trouve que c'est arbitraire de dire qu'on ne tuera pas les animaux qui souffrent mais on tuera les êtres qui ont une conscience ça revient à dire que si on pouvait tuer les animaux sans les faire souffrir, on pourrait les tuer. J'ai une difficulté à tuer des êtres vivants.


Céline : On vit avec les animaux depuis longtemps, on sait qu'ils ont une forme de conscience. Quel est l'intérêt de passer par une expérience scientifique, par le regard humain, le contrôle ? Ça me gêne de reprendre ces expériences.


PS : Le fait est que beaucoup de gens sont mentaphobes : ils nient que les animaux sont conscients. Leur intuition est que les animaux sont des robots. Mon intuition à moi est qu'ils sont sentients. Comment départager les deux intuitions ? Les expériences scientifiques permettent de mettre d'accord les gens in fine.


Virgile : Sur la sensibilité des plantes et des animaux, on revient au pb que la sentience ne peut pas être coupée, étudiée. On le pose sans le remettre en cause. J'existe, je sais que j'existe, je sais que c'est moi quand j'étais petit. Je ne peux pas penser autrement. Je pourrais ne pas avoir de pensée, avoir des capacités très diminuées ou être en train de rêver, je suis toujours moi.


Christophe : Vous avez choisi de faire du critère absolu la sensibilité.


Virgile : Mais c'est quoi le mal, pour toi ?


Christophe : Je n'ai pas de réponse à ça. Je crois qu'il y a un mal énorme de détruire une forêt, de ravager la planète, même si la forêt ne crie pas. C'est très métaphysique, un peu mystique, mais pourquoi pas ?


Isabelle : Une autre réponse au cri de la carotte : vous êtes sensibles à la douleur des végétaux, donc soyez végétariens, vous consommerez sept fois moins de végétaux.

Je pense que je suis obligée de manger pour vivre, des études montrent que les plantes communiquent par voix chimiques, quand une plante est agressée, elle prévient d'autres plantes par des molécules chimiques.


Anou : Je voulais revenir à la conscience de soi car je n'arrive pas à comprendre le rapport avec l'identité personnelle. Imaginons qu'il y ait un chat qui voit quelqu'un frapper une chaise puis ferait le même geste sur le chat. Le chat verra la différence entre les deux actes car il ressentira une souffrance. La conséquence lui montrera la différence de perception entre le fait de frapper un objet extérieur plutôt que son propre corps.

Un oiseau auquel la mère donne à manger verra sa mère donner à son frère, il verra bien que ce ne sera pas la même perception.


PS : Je suis d'ac avec toi. La sentience sans aucune conscience de soi me paraît compliquée.


Anou : Du coup, les questions d'identité personnelle ont-elles un impact ?


David : Il y a une définition a minima qui est du style : je suis un ver de terre, j'ai des sensations, je sais que certaines décisions va m'apporter des sensations plus agréables, j'ai une conscience des sensations, je suis capable de faire une corrélation entre ces sensations et les décisions que je prends. Il n'y a pas forcément de soi là-dedans. S'il s'agit un chat vivant avec d'autres chats, ce sera des positions plus complexes.

Dans l'expérience d'anticipation des besoins d'autrui, le singe ne fait pas la différence entre anticiper la soif d'un autre singe et sa propre soif, peut-être qu'anticipe-t-il sur la soif en général.


PS : Je peux renommer le titre de l'intervention « la conscience illusoire de soi ».


Sara : Pour moi, la méthode scientifique est importante et je voulais remercier Pierre car ça donne une argumentation solide pour repousser l'argument de la conscience de soi. Le système social est déjà organisé à travers les mots, certains concepts spécifiques. Quand on prend des paramètres bien stipulés qu'on peut contrôler, on peut démontrer que quelque chose est vrai.

Je ne suis pas d'accord pour démontrer quelque chose qui est déjà fait. Disséquer une grenouille, ça ne sert à rien.


Céline : Je comprends la démonstration et je la trouve implacable. Mais je la trouve archi spéciste et je n'aime pas le fait que cette méthode scientifique se présente comme définitive et déterminante. Je n'ai pas envie d'argumenter en utilisant cette argumentation. Je me trouverais contradictoire car je suis contre ces expériences.

10h40 – 42 personnes (dont une qui dort)

La présentation a été faite accompagnée de diapositives type powerpoint très détaillées.

Éthologie cognitive: ce qu'il y a dans la tête des animaux.

Programme de recherche récent et en fort développement. La plupart des études citées sont d'après l'an 2000.

Question intéressante parce que la conscience de soi est souvent considérée comme déterminante; l'argument étant que si un animal n'a pas conscience de lui-même, il n'a pas de désir de rester en vie, donc il n'y a pas de mal en soi à le tuer. Cela y compris dans la théorie des droits juridique de Francione. L'argument de la conscience de soi est très présent

dans les débats avec les spécistes.

Pierre se fonde presque exclusivement sur des expériences de laboratoire. Pose le problème éthique de l'expérimentation animale; expériences souvent peu violentes, mais qui sont imposées aux animaux. Problème de l'artificialité de l'environnement et des tâches demandées → point de vue académicocentrique, résultant de la volonté d'éviter l'anthropocentrisme. Absence de convivialité, donc diminution de la convivialité. Exemple des Gardner, qui ont appris à des singes le langage des signes, dans un environnement familial, en contraste avec l'approche de Herbert Terrace, qui a ultérieurement cherché à reproduire ce genre d'apprentissage dans un environnement très contrôlé, et qui a été un échec. Avantage: environnement très contrôlé → solidité scientifique des résultats, par le contrôle rigoureux des conditions, la possibilité de tester les hypothèses alternatives, l'exclusion du biais anthropomorphique, de la part d'expérimentateurs dont le curriculum est plutôt hostile aux animaux.

Exemple: vidéo de singe rhésus, d'un test de mémoire (Laboratory of comparative primate cognition, Emory univ.)

Travail en général de l'animal pendant une heure par jour.

 

Nous parlera ensuite d'une série de capacités cognitives dérivées de la conscience de soi, comme l'introspection.

 

Comment détecter la conscience de soi chez des animaux qui ne parlent pas?

- Argument de nécessité (sentience => conscience de soi)

- ...

- Test du miroir (vu comme classique, test roi)

Test du miroir:

- Adapté aux non-humains par Gordon Gallup (1970).

- On met l'animal face à un miroir, on le laisse s'habituer.

- On l'endort, on lui fait une tache sur le front.

- Si quand il se réveille il se touche le front, c'est qu'il a compris.

Résultats positifs: chimpanzés, bonobos, organ-outans, gorilles, macaques, éléphants, dauphins, orques, lions de mer, corbeaux, pies, perroquets.

Dans le cas des animaux aquatiques, on a d'autres critères que de se toucher le front.

Problème: le résultat négatif n'est pas probant. Exemple, les gorilles: ont peur de regarder le reflet dans les yeux. La vue pas toujours sens dominant? L'animal est-il intéressé par le miroir? La tache peut aussi l'indifférer. Exemple: les macaques se désintéressent de la tache, mais se retournent s'ils vient quelqu'un derrière eux dans le miroir. Réagissent à un implant sur le front. Les pigeons se désintéressent de la tache, mais se reconnaissent sur une vidéo.

 

Variante avec les cochons:

On met 8 cochons 5 heures dans un enclos, avec un miroir. S'y habituent. On met un bol de nourriture peint en rouge (les cochons sont habitués aux bols de nourriture rouge); les cochons ne voient le bol que dans le miroir. Les cochons non habitués au miroir contournent le miroir, comme s'il s'agissait d'une vitre, mais les cochons habitués comprennent où est vraiment le bol. Ils n'ont pu reconnaître son emplacement que par référence à eux-mêmes.

 

Dérivés de la conscience de soi:

La théorie de l'esprit = capacité à se représenter l'esprit d'autrui. L'empathie est la capacité à se représenter les émotions d'autrui. La bienveillance est vouloir le bien d'autrui; différent de l'empathie (exemple des psychopathes, empathiques mais non bienveillants; exemple des autistes, au contraire bienveillants mais ayant des difficultés avec l'empathie). Empathie + bienveillance = sollicitude.

La contagion émotionnelle: exemple peur, rire. Présent chez tous les animaux sociaux. Bébés qui pleurent parce qu'ils entendent pleurer. Expérience de Langford et al. (2006): une souris manifeste plus de douleur si elle en voit d'autres souffrir. Plus empathiques avec leurs proches → pas une réponse automatique. Idem que chez les humains ou les zwâ.

 

Ne pas nuire: un animal A obtient de la nourriture en appuyant sur un bouton; mais ils voient que ce faisant cela fait souffrir un congénère; ils appuient alors moins sur le bouton. Rats.

 

Agir activement pour le bien d'autrui. Expérience de 2011 dans Science. Un rat libère un compagnon familier placé dans un tube dont le mécanisme d'ouverture est compliqué. Sur 30 rats, 23 trouvent au bout de 5 à 7 heures (cumulées). Réaction de surprise la 1e fois qu'ils réussissent, mais pas les fois suivantes.

 

Variantes pour tester l'hypothèse. Variante avec tube vide (pour éliminer l'hypothèse «curiosité»); les rats sont bien moins motivés. Idem avec un objet quelconque dans le tube. Tube donnant sur une autre cage (pour tester l'hypothèse «juste besoin de compagnie»). Variante avec chocolats dans un autre tube: ils en laissent un peu pour le congénère. Si pas de congénère, ils bouffent tout.

 

La théorie de l'esprit:

 

Premack et Woodruff (1978). Attribuer à autrui des croyances. De nombreux cas de tromperie chez les animaux. En soi peu probants: il peut s'agir de comportements appris, sans th. de l'esprit. Exemple de tromperies élaborées chez les singes. Cochons: nourriture en quantité limitée; un dominé sait où se trouve la nourriture, le dominant non; le dominé fait l'innocent. Ne convainc pas par exemple Vauclair: on ne peut pas attribuer d'intentions aux animaux. On au beaucoup expérimenté chez les primates, souvent avec résultats négatifs. C'était souvent des tests de croyances erronées; les chimpanzés y arrivent mal. Mais peuvent attribur des croyances vraies («il sait que...»). Expériences chez les geais buissonniers (corvidés). Habitués dans la nature à cacher la nourriture. Aiment manger les vers. Se volent beaucoup entre eux. Dispositif: bac à glaçons, croquettes au maïs qu'ils peuvent dissimuler. Exp. 2005: on permet à un geai de cacher des vers; un autre le voit. Une partie du cache peut être à l'abri du regard de l'autre. Le geai cache surtout dans cette partie. Pas de différence si l'observateur est absent. Variante où c'est la distance qui permet d'éloigner de l'observateur. Variante avec rapports dominant/dominé, ou avec partenaire. Ils continuent à cacher la nourriture si rival (dominant ou dominé), mais pas si partenaire, ou si tout seuls. Dans la nature, les geais déplacent souvent la nourriture d'une cachette à l'autre; expériences où on amène le geai à déplacer ses vers pour les mettre à l'abri du rival; ils le font plus s'ils ont été vus que s'ils ne l'ont pas été. Expériences aussi en différé. Expériences «qui a vu quoi?»: le geai a été vu cacher en présence d'un rival A puis d'un rival B; ultérieurement, en privé ou en présence de C, il recache; en présence de A ou B, il ne recache pas. Résultats convaincants, montrant que les G ont une théorie de l'esprit.

 

La métacognition: pensée sur la pensée. «conscience réflexive». On a longtemps pensé que cela nécessitait le langage (apparition chez les enfants à 3 ou 4 ans). Expérience 2007 chez le rat, sur sa conscience de sa propre incertitude: test de discrimination sonore (hauteur ou durée du son). On fait entendre le son au rat; celui-ci doit répondre si le son est court ou long. Si le rat dit juste, il a une récompense (croquettes). Puis on donne au rat la possibilité de répondre «je sais pas», avec lot de consolation. Les sons courts peuvent être plus ou moins courts, idem pour les sons longs. Les rats choisissent le lot de consolation quand le stimulus est de type moins marqué. Mais est-ce que ça signifie qu'ils ont simplement 3 catégories?

Difficultés d'interprétation: un comportement peut avoir différentes causes. Comparaison singe/humain, qui ne prouve pas que la cause soit la même. Interprétation behavioriste, en termes de niveaux d'excitation de trois mécanismes. Étude sur les rhésus qui savent quand ils se souviennent. Peuvent dire s'ils se souviennent ou non d'une image. Variantes pour éliminer l'hypothèse «ils se fondent sur des indices comportementaux». Test de transfert de la touche «ne sait pas» à une tâche nouvelle: les singes réussissent bien, montrant qu'ils ont compris le sens de «je ne sais pas». Test

aussi avec une touche «indice».

 

Jugement prospectif des rats. (Se termine par la mort des rats.) Certains neurones s'activent quand il y a certitude. Les rats ont donc un jugement prospectif sur la qualité de leur réponse.

 

Expérience sur la confiance en soi des zwâzos. Pigeons et poules. «Do birds (pigeons and bantams) know how confident they are of their perceptual decisions?» (2011). Capacité de transférer la réponse «sûre» à d'autres tâches.

 

Chez les enfants humains, la métacognition et la th. de l'esprit se développent simultanément. Sont capables à 1 an de généraliser aux autres une connaissance métacognitive: suivent la direction du regard d'autrui. Idem si bandeau; mais parce qu'ils ne connaissent pas les bandeaux. Si on leur fait constater qu'avec un bandeau ils ne voient plus, alors ils ne suivent plus le regard d'autrui si celui-ci a un bandeau.

Idem chez les animaux: exemple geais, qui cachent plus la nourriture s'ils ont eux-mêmes volé dans le passé.

 

La mémoire épisodique: faculté de se souvenir d'un événement particulier, dans son contexte de temps et de lieu. Utile pour se faire une idée de ses congénères. Utile pour optimiser sa recherche de nourriture. Pour échapper aux prédateurs (se souvenir de leurs habitudes). Test du labyrinthe à branches et aux croquettes parfumées, préférées aux ordinaires.

Généralisation à une question inattendue. (pigeons)

Les rats se repassent-ils le film? Fortin et al. 2001, «Critical rôle of the hippocampus in memory for sequences of events». Les rats se souviennent de l'ordre d'une séquence d'odeurs. Ou d'un ordre spatio-temporel.

 

L'anticipation. Capacité de se projeter dans l'avenir, symétrique de la mémoire épisodique. Contredit l'hypothèse Bischof-Kohler, selon laquelle les animaux ne pourraient pas anticiper un besoin qu'ils n'éprouvent pas encore. Ex. chez les macaques: les neurones s'activent dans le même ordre quand ils anticipent le test ou quand ils l'exécutent. Planification chez les pigeons. Yves ne veut pas qu'on raconte ce test. À la place, anticipation de cacahuètes chez les singes saïmiris. Ou avec les dattes: les dattes donnent soif; si on leur retire leur bouteille d'eau, ils choisissent moins de dattes, anticipant leur soif future.

Anticipation chez les bonobos et les oran-outangs: «Apes save tools for future use» (2006). Anticipation chez les geais: cacahuètes et croquettes.

 

Conclusion: le dernier carré du propre de l'homme – la conscience réflexive – existe aussi chez les animaux. C'est pas bien de tuer les animaux.

12h25

Débat, modéré par Bérénice

Pierre a cherché des études chez les poissons, pas trouvé.

Joël: Quelle est la part de la rationalité de l'esprit humain sur la compréhension de l'instinct de l'animal? Est-ce que donner des croquettes au animaux n'est pas une manière de les rationaliser? Quelle est donc la validité de ces expériences? Pierre: On ne peut réussir tel ou tel test que si on a telle ou telle capacité; donc c'est concluant.

David: emblette tout le monde avec son obsession de l'inexistence de l'identité personnelle.

Yves: la première conscience de soi c'est la sentience.

Virgile: on ne peut pas étudier scientifiquement sa conscience, parce qu'on est notre propre observateur.

Damien: les enfants élevés par les loups n'ont pas les mêmes codes de langage. Sont plus comme les loups que comme nous-mêmes.

Dominique: l'identité chez les humains est définie par la capacité à se concevoir identiques dans le temps, à rester à notre place, etc. Les animaux aussi ont ça. Je suis contente de voir que maintenant on étudie la th. de l'esprit chez les animaux, pas seulement chez les enfants comme beaucoup avant. Mais chez les humains, dès qu'un enfant sait parler, ça lui donne des capacités de conceptualiser que n'ont pas les animaux. Exemple d'un singe ayant le langage des sourds-muets, qui aurait

raconté sa capture dramatique à un autre singe.

Christophe: on risque de prendre la conscience comme critère, et donc bannir la cognitophagie, mais n'est-ce pas un critère anthropocentrique? Mais aussi, la sentience n'est-elle pas un critère anthropocentrique? Plantes. Il y a bien moins de différence entre un humain et une plante, qu'entre une plante et un caillou.

...

Dominique: J'ai un argument net

par rapport à la sensibilité des plantes: on fait une

différence claire entre se couper un doigt et les cheveux, pourtant

les cheveux aussi poussent, sont vivants.

...

Céline: On sait que les animaux, avec qui on vit, ont une forme de conscience de soi, etc.; est-ce qu'on a besoin de faire ces expériences pour le savoir? Pierre: il y a beaucoup de gens qui sont mentaphobes, et pensent que les animaux sont des robots. Les expériences scientifiques sont un argument assez convaincant.

Virgile: Revient sur la sensibilité des plantes et des animaux. L'organisme est un tout qui persiste dans le temps, on ne peut pas penser la sentience autrement. Si on n'est pas sensible, que peut donc être le mal? Christophe: mon éthique est biocentrée, c'est mal de détruire une forêt, même s'il n'y a pas d'animaux dedans.

Isabelle Dudouet-Bercegeay: Ma réponse par rapport aux plantes est la même que celle de Dominique. Mais je pense que les plantes communiquent aussi. Mais pragmatiquement, manger les plantes c'est le moindre mal.

Anou: Le chat il sait quand on le cogne, pas pareil que si on cogne la chaise

David: La présentation est extrêmement utile, mais il faut aussi relativiser la notion de conscience de soi.

Sarah: C'est précieux, mais...

Cécile: Je serais contradictoire à utiliser des résultats d'expérimentation animale.

...

Dominique: Ces expériences sont précieuses, parce qu'elles obligent les sceptiques à admettre ces réalités. Ça rappelle les expériences faites à une époque sans anesthésie sur les nourrissons. Ces expériences peuvent aussi avoir des débouchés juridiques; les juristes se laissent convaincre par des faits. Expériences sur les chiens: on en caresse un, un autre remue la queue.

Sylvain: On devrait faire un débat sur le soi.

Isabelle: Il faut différencier le moment éthique et le moment scientifique. Les éleveurs savent bien que leurs animaux sont sentients, mais sont de mauvaise foi. On ne devait pas forcément attendre d'avoir prouvé que les animaux souffrent avant de les prendre en compte.

13h32

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