Estivales de la Question animale

Compte-rendu général
sur les Estivales 2005

David Olivier

Ce commentaire personnel a été rédigé suite aux Estivales 2005.

Voilà, une semaine après la fin des Estivales 2005, mon compte rendu personnel. Il est difficile de traduire la richesse de ce type de rencontres, où pendant toute une semaine on est entourés de gens pour qui les animaux comptent, et dont la majorité ne les mangent pas, et qui considèrent comme important de discuter, de chercher, développer et confronter des idées.

Je rappelle d'abord que les Estivales de la Question animale sont des rencontres organisées chaque année sur une semaine début août, où sont invitées toutes les personnes qui veulent débattre de la question animale, c'est-à-dire du statut éthique, politique, poétique, scientifique ou autre des êtres sensibles.

Extrait du site Web:

Nous souhaitons que les Estivales deviennent une université d'été où puissent échanger tous ceux qui s'intéressent aux animaux, à quelque titre que ce soit (militants, journalistes, chercheurs, simples particuliers...), un lieu où l'on puisse s'informer et débattre librement de tout ce qui s'y rapporte, sans aucune exclusive quant aux positions défendues.

Nous voudrions que cette université d'été contribue à faire du statut des animaux, de nos devoirs (ou absence de devoirs) envers eux, l'objet d'un débat sérieux dans la société humaine. Nous aimerions que ce débat soit éclairé tant par les connaissances que peuvent apporter la philosophie ou les sciences («dures» et «molles»), que par les expériences vécues de rapports avec les animaux ou de rapports entre humains à propos des animaux.

Les Estivales cette année se sont déroulées du 6 au 13 août à Saint-Julien-Molin-Mollette dans le massif du Pilat, près de St-Étienne. Ce village compte un grand nombre d'artistes de tout poil, et nous avions été invités par l'une d'entre eux, e.n.o.s., ce qui fait qu'outre les thèmes habituels ont été abordés quelque peu des thématiques artistiques, et que le courant a plus facilement passé avec la population du lieu.

On trouvera le programme des interventions de cette année sur le site Web.

Voici donc mon compte rendu.


D'abord le nombre. Je ne sais pas combien de personnes sont venues, en tout, mais nettement plus que les autres années. Près d'une soixantaine, peut-être, en tout! (Sans compter les gamins de la colo et leurs moniteurs, ni les non-humains.)

Ça me semble le signe d'une bonne croissance des Estivales, et de l'intérêt que suscite la question animale. Le fait aussi qu'on ait maintenant la perspective de pouvoir «s'installer» dans un lieu fixe d'année en année, avec des relations assez fortes avec les autochtones, accueillants et sympathiques, me semble aussi un facteur d'«institutionnalisation», susceptible d'en faire un événement reconnu. D'une certaine façon, le fait d'avoir cette stabilité peut nous permettre d'élargir nos horizons avec plus d'audace. Bon, c'est pas clair pourquoi, c'est juste intuitif. Je ne veux pas là faire un hymne traditionnaliste à l'enracinement!

(Ceci dit, tout le monde n'était pas très chaud pour refaire l'année prochaine à SJMM, alors que personnellement c'est ce que je préférerais.)

Question atmosphère, ces 4e Estivales m'ont semblé moins conviviales que les trois éditions précédentes. Peut-être le nombre, peut-être la disposition des lieux, avec un hébergement éclaté. C'est apparu de manière frappante le dernier soir, quand on a regardé le film tourné par e.n.o.s. l'année dernière, où on voyait les estivaliers faire de la musique et s'amuser. Nous avons tous (même ceux qui n'y avaient pas été) été submergés par une vague de nostalgie kitch. D'un autre côté, la convivialité était liée au sentiment de faire partie d'un groupe. Or aux Estivales, on n'est pas forcément un groupe, pas forcément tous d'accord, etc... C'est peut-être logique et nécessaire que cette convivialité tende à s'effriter.

Dans les interventions de plusieurs personnes lors de la réunion de bilan, j'ai perçu une envie d'aller vers quelque chose de plus intégré, de plus «pédagogique», visant à amener les gens du public à s'intéresser à la question animale, à amener les gens déjà militants à se rapprocher du point de vue antispéciste... Je ne pense pas qu'il faille envisager les Estivales ainsi. Je peux être d'accord avec certaines des propositions faites, comme des journées moins denses, permettant aux gens d'aller au café ou se baigner, mais je n'aurais vraiment pas envie que les activités elles-mêmes fassent partie du programme! Je suis d'accord aussi pour faire un effort pour intéresser les autochtones (les différentes sortes d'autochtones), mais cela n'est pas pour moi le centre des Estivales.

En fait, par plusieurs aspects, je trouve que ces Estivales 2005 constituent un bon équilibre: une convivialité non obligatoire, une gamme d'hébergement convenant à tout le monde, une large palette d'interventions, certaines correspondant à des campagnes sectorielles (Frank Schrafstetter), des analyses historiques pour la première fois (Agnese, Cecile Goubet), des thématiques chères aux antispé cahiétoïdes (sur l'écologie), d'autres au contraire développant des points de vue nettement différents (Guy Bortolato, Jean-Claude Hubert), un film très intéressant sur l'INRA, la présence d'un point de vue artistique... Il y a eu des militants engagés et habitués des Estivales, d'autres complètement novices ou non motivés; certains sont restés la semaine, d'autres seulement un ou deux jours... Il y avait là beaucoup plus de personnes non végétariennes que les autres années, ce qui est en soi une bonne chose, et correspond au projet. Des gens venus de loin, des autochtones, Il n'y a pas vraiment de profil type, ni d'intervention type, et je trouve que cette diversité est vraiment positive.

En même temps, beaucoup des interventions et autres événements me laissent un goût de superficialité, de manque de possibilité d'approfondir. Pour la question artistique, je n'ai pas été enthousiasmé ni par ce qui nous a été présenté, ni par les possibilités de dialogue.

Le gros point fort des interventions est à mon avis le projet exposé par Antoine de lancer publiquement la revendication de l'abolition de la viande. En même temps, c'est un peu hors-Estivales, dans la mesure où (si je ne me trompe) l'idée lui était sans doute venue bien avant Estivales, qui ont seulement été le lieu d'annonce. J'ai été un peu déçu par les réactions de beaucoup d'estivalliers, ainsi que par celles qu'on voit maintenant sur les listes, mais c'est sans doute logique. Mais là encore, un sentiment de superficialité.

(Mais peut-être suis-je le seul à avoir ressenti cette impression de superficialité; c'est aussi que j'ai passé la semaine à me demander ce que j'allais bien pouvoir dire dans mon intervention du vendredi, et ça plus d'autres préoccupations m'ont un peu déconnecté.)

À propos de l'organisation pratique, j'ai eu beaucoup un sentiment de miracle. Il y a eu peu d'annonces et discussions collectives sur l'organisation, et pourtant elle s'est faite «toute seule», du moins c'est l'impression que ça m'a laissé. Sans doute que du point de vue de certaines personnes, elle ne s'est pas faite «toute seule»! Et là je pense qu'il serait bon d'avoir une organisation plus serrée, plus collective, qui implique mieux tout le monde, avec des moments de discussion publique. Je pense que nous ne devons pas vouloir que tout le monde soit sur la même longueur d'onde sur le plan des idées ou des motivations, mais il me semble normal de demander que nous formions un groupe sur le plan matériel, dans la mesure où de fait tout le monde mange ensemble et partage quelques autres tâches. Peut-être que par cette intégration matérielle des gens on peut arriver à créer un sentiment de convivialité non étouffante, non factice, non basée sur de faux consensus. La démocratie du travail, disait Wilhelm Reich.

Je passe à quelques points sur les différents événements et thématiques. Je mets des liens vers les photos des réunions, quand il y en a, parce qu'hier j'ai remâchouillé le site pour y intégrer les photos avec des scripts php pour que ça s'intègre dans le style graphique du site et que ça vous donnera l'occasion d'applaudir.

Le film de Bruno Thomé (dimanche 7 matin).

Un document vraiment fort sur les recherches à l'INRA sur le bien-être animal, avec l'exemple des cochons. Des discours qui confirment ce que beaucoup d'entre nous savions, c'est-à-dire que structurellement les scientifiques ont un gros pb à arriver à prendre au sérieux la sensibilité. Un film qui permet aussi de voir concrètement les personnes derrière les noms qu'on voyait passer dans le cadre d'Agri-BA, de voir leurs discours, leurs tics, les conflits avec leurs étudiants... Edwige Ducreux, une étudiante très critique vis-à-vis de l'INRA et sympathisante des animaux (tout en les mangeant, mais pas en batterie): «Moi aussi je mets bas, [le terme] ne me dérange pas.» Armelle Prunier, une cheffe: «Tout le monde à l'INRA dira qu'on travaille d'abord pour l'éleveur.» Marie-Christine Meunier-Salaün, cheffe d'Edwige Ducreux: «Si à la demande de la société il est important de prendre en compte le bien-être [des animaux]...» Ce qui signifie bien qu'elle ne considère pas ce bien-être comme important en soi, mais seulement comme réponse à la demande du capricieux peuple-roi. On a pu les voir aussi presque ouvertement admettre qu'on leur commande des études en même temps que les résultats (ex. chauffer les porcs à 27° pour les forcer à mieux aimer le béton que la paille). On a eu quelques paroles bien senties de Florence Burgat, sur la «stupidité des recherches pour savoir si couper la queue fait mal.» Et aussi, qui a noté que comme forces soutenant l'élevage intensif, il n'y a pas que le monde agricole lui-même, mais aussi (surtout?) l'industrie pharmaceutique, qui fait une bonne part de son chiffre d'affaire (plus de 50%?) à partir des produits vétérinaires pour l'élevage.

(Les citations ci-dessus sont les phrases que j'ai notées en passant, peut-être pas littérales.)

J'ai aussi été frappé par cette équation omniprésente à l'INRA selon laquelle le bien-être peut se mesurer «objectivement» par la satisfaction des besoins; comme si les besoins existaient «biologiquement», indépendamment du bien-être, du subjectif. L'idée qu'un organisme vivant a des besoins, qu'il a donc un «bien» indépendant de son ressenti, un bien aussi pour les plantes, dont on dit qu'elles ont des besoins en eau, etc. Un point de vue très aristotélicien, je crois, et tout à fait indéfendable dans le cadre de la science moderne.

Autre point de mes notes (c'était le 1er jour, j'avais du courage pour en prendre): les métaphores très humanisantes type «budget-temps» pour les cochons. On étudie comment le cochon «gère son budget-temps» entre l'alimentation, le repos, etc. Un peu comme on étudie la gestion du budget-temps de la ménagère dans les enquêtes de marketing. L'impression que les gens de l'INRA reconnaissent tout à fait les cochons comme des êtres sensibles, rationnels, mais comme ils ont aussi la possibilité de le nier, ils ont la même liberté avec eux que les enfants avec leurs poupées, les choyant quand ils en ont envie, les traitant comme des objets à d'autres moments...

Contraste aussi entre les critères de bien-être humain comme comme celui du week-end dans l'organisation du travail (il faut aussi que l'éleveur ait son w.-e. libre) et la brutalité du traitement auquel sont soumis les cochons, dont le bien-être n'est compté qu'en raison de la «demande sociale» et des répercussions du stress sur les courbes de croissance.

Dommage qu'il n'y ait pas plus de films dans le genre, et que celui-ci ne soit pas plus connu.

La présentation du Movimento Antispecista (dimanche 7 après-midi).

C'était un peu difficile, puisqu'il n'y avait aucun représentant du M.A. présent, et que la tâche est revenue à Agnese Pignataro et à moi à la fois de faire la présentation (et de distribuer les documents de présentation) et de critiquer ce mouvement. J'avais envie d'en profiter pour débattre plusieurs points, par exemple l'opportunité de ce type de déclaration qui se veut à la fois unitaire et définitive, mais qui ne réussit à être ni l'un ni l'autre. Mais comme à peu près tout le monde semblait d'accord avec moi, il n'y eut pas beaucoup à débattre. Par contre, au détour d'une des phrases est apparue la question de la prédation, question vers laquelle a rapidement dévié le débat, sur un ton assez polémique. À vrai dire, cette question a été soulevée non par moi ni par un autre des antispé cahiétoïdes, mais par un gars dont j'oublie le nom et qui a objecté, de manière assez véhémente, à l'énoncé du droit à la vie des animaux, disant qu'elle impliquait la fin de la prédation; alors que je m'apprêtais de mon côté à objecter au même énoncé qu'il était formulé de manière à ne pas l'impliquer! La suite des débats s'est donc beaucoup focalisée là-dessus, ce qui a été une mauvaise chose parce que ce n'était pas le sujet, mais une bonne chose aussi parce que cela permettait d'aborder ce thème qui fâche dès ce premier jour.

Il est vrai que si des autochtones non initiés étaient là ce jour-là, ce n'était pas le débat idéal pour eux.

Frank Schrafstetter sur le cirque (lundi 8 matin).

Présentation fort intéressante par le fait qu'elle a fait toucher du doigt, à moi et certainement à d'autres, à quel point effectivement la vie des animaux dans le cirque est souvent un enfer. J'avais déjà remarqué, il y a quelques années, deux éléphants au Parc de la Tête d'Or à Lyon qui passaient leur journée à se balancer maladivement d'un côté et de l'autre, et cela m'avait étonné, parce que leur environnement ne semblait si pas catastrophique. Frank a donné l'explication: il s'agit de deux anciens éléphants du cirque Amar; complètement irrécupérables. Qu'ils soient ainsi bouzillés à vie donne une idée de ce qu'ils subissent, en termes de privations d'espace, de contacts, et même d'eau (pour qu'ils ne pissent pas sur la piste). Frank a aussi beaucoup insisté sur le caractère archaïque du cirque, lié à une représentation coloniale des humains et des animaux. D'un autre côté, le nombre d'animaux concernés d'un millier environ, chiffre grand dans l'absolu mais dérisoire face à d'autres formes d'exploitation animale.

Extrait de mes notes, à propos des éléphants:

Animaux sociaux, hardes. Cirques: sont seuls, ou attachés en rang. Animaux nomades, besoin de marcher. Attachés sans pouvoir se coucher (chaines en diagonale entre les pattes). Baignade interdite. Privés d'eau (pipi). Mush = parade sexuelle des mâles, en permanence -> frustration, irritabilité, agressivité. Trompe devenue inutile, idem défenses et oreilles. Dressage = coercition, violence nécessaire. Restrictions pour permettre de donner des récompenses. Douleur. Anqus = bâton acéré mais fleuri, pour que le public n'y voie rien. Numéros: surenchère. Poirier -> hernies, pression abdominale, voire explosions. Stéréotypies: l'éléphant «tisse». Preuve de souffrance chronique (foutus, fous).

Frank est joignable à l'adresse zyzomys@free.fr; son site Web est http://zyzomys.free.fr/.

Agnese Pignataro, sur Descartes et les penseurs qui l'ont critiqué (Bayle, La Mettrie, Maupertuis) (lundi 8 après-midi).

Un point fort des Estivales, par cet éclairage nouveau que cela apporte au problème de la sensibilité et des racines historiques de sa négation/dématérialisation. Un point fort aussi par l'intérêt que le thème a suscité chez beaucoup d'estivalliers. Contrairement à ce que je craignais un peu, les gens ont très bien compris la pertinence du propos pour la question animale aujourd'hui, et le débat a été à la hauteur. C'est la première fois cette année qu'on a une présentation de ce type, avec aussi celle de Cécile Goubet sur Buffon. J'espère que cela se renouvellera.

L'exposé suivait de manière assez proche le document qu'Agnese avait communiqué à Estiva, et dont j'ai mis une copie sur les CD que je produis (le CD «photos»). Une version corrigée a été faite, si j'ai bien compris, et sera publiée indépendamment (dans les Cahiers?).

Frank Schrafstetter sur l'expérimentation animale (mardi 9 matin).

Panorama des utilisations des animaux, un vrai bric-à-brac. Ce fait même me semble intéressant à noter, parce qu'il fragilise de beaucoup toute argumentation d'inopportunité humaine des expérimentations, laquelle doit repartir à zéro pour chacune des milliers de sortes d'utilisation. Cela explique aussi que les chiffres de l'exp. an. sont très peu fiables; officiellement moins de 3 millions en France par an, si je me souviens bien, en réalité peut-être le double ou plus. Exposé intéressant à aussi sur REACH, avec 100 mille produits à retester, risquant d'impliquer 15 millions d'animaux. J'ai trouvé Frank beaucoup moins convaincant, par contre, dans sa défense de la stratégie de Greenpeace, organisation qui soutient REACH, tout en ayant finalement accepté de demander que cela soit fait sans expérimentation animale (position qui risque de n'être qu'un voeu pieux, alors que leur soutien à REACH aura porté ses mauvais fruits). Peu convaincant aussi dans sa défense de la liste «verte» de Greenpeace posée comme alternative à la liste de One Voice, peu fiable selon Frank; liste verte qui n'entend pas recenser les produits ménagers et cosmétiques non testés, mais ceux qui n'utilisent que des ingrédients non suspects d'être dangereux pour la santé, et généralement d'origine «naturelle» - et basée en fait sur le présupposé selon lequel «naturel» implique sans danger sur la santé, présupposé qui exempte ces substances de l'obligation d'être testées, mais ne les rend pas en soi sûres pour la santé!

Frank a aussi distribué son texte «À choisir entre une souris et un enfant...», sans que son exposé ait correspondu à ce texte.

Antoine Comiti, sur l'esclavage (mardi 9 après-midi).

Long exposé toujours intéressant sur l'historique de l'esclavage et de son abolition en France et en Angleterre (sans référence aux États-Unis). Antoine a peu fait le rapport explicite avec la question animale dans son exposé, même si ce rapport était constamment en arrière-plan. Je trouve intéressant de pouvoir prendre ainsi le recul de connaître et comprendre l'histoire de l'esclavage pour elle-même, sans être obnubilés par le rapport avec l'exploitation animale (tout comme prendre connaître et comprendre l'histoire des idées, du cartésianisme etc., sans se demander constamment à quoi ça sert); c'est peut-être ce recul, le fait de prendre au sérieux la question de l'esclavage en soi, qui a permis à Antoine d'avoir l'idée géniale de la revendication de l'abolition de la viande.

Une idée capitale dans l'exposé d'Antoine a été que l'abolition universelle de l'esclavage n'a pas été une conséquence d'une abolition préalable du racisme. Ce qui ne veut pas dire non plus qu'il n'y avait pas de lien entre racisme et esclavage, ou qu'il soit inutile de critiquer le spécisme, mais qu'on n'a pas forcément à imaginer devoir rendre le monde entier non spéciste avant l'abolition de la viande. Celle-ci pouvant être vue comme la moindre des choses, y compris par des esprits spécistes (comme le sont d'ailleurs à mon avis les nôtres).

Cécile Goubet sur Buffon (mercredi 10 matin).

Ce n'est pas faire justice à Cécile de ne mentionner que le désaccord que j'ai eu avec elle, avec son approche «constructiviste». Je suis content d'avoir réussi à le dire, et aussi à exprimer le malaise que j'ai ressenti pendant son exposé, l'impression d'être - en tant que tenant de l'approche scientifique - dans la position d'un insecte sous un microscope.

Je pense qu'on aura un texte écrit de Cécile comme compte rendu?

Guy Bortolato, les ours et les enfants (mercredi 10 après-midi).

Ce qui était annoncé au programme, et qui m'intéressait le plus, c'est le parcours personnel de Guy («cheminement vers le végétarisme»). Il avait aussi des films et des diapositives à présenter. Mais ce projet a rencontré un autre train d'événements, pour donner finalement un événement inédit impliquant les ados (et les moniteurs) de la colonie de vacances du camping. C'est une estivallière, si j'ai bien compris, qui s'était liée avec une des monos, et cela avait abouti à une invitation à ce que les ados, une trentaine, viennent à la conférence de Guy. Celui-ci a d'abord présenté son document sur les ours du Canada. Puis s'est mis à parler et discuter avec le public de diverses choses animalières. Je m'attendais un peu à une après-midi qui laisserait un goût d'occasion manquée. Les ours du Canada, c'est intéressant, mais c'était dommage que les enfants retournent des Estivales en n'ayant entendu parler que de ça. C'est là qu'Yves a eu la très bonne idée de rappeler à Guy qu'il devait aussi parler de son parcours personnel. Et Guy, qui n'avait pas prévu cela, ne s'est pas laissé démonter, et a raconté pourquoi il était devenu végé, par sympathie pour les animaux (discours vraiment centré là-dessus). Je crois que son discours et le débat style questions-réponses qui s'en est suivi a fortement impressionné les gamins. Il est allé assez loin, Guy parlant même de la manière dont on envisagera dans quelques siècles les gens qui mangent la viande aujourd'hui; parlant aussi de ce qu'il ne mangeait pas les animaux pour pouvoir se regarder dans un miroir. Un discours à la fois que je lui enviais, par sa capacité à discuter sans culpabiliser, et qu'en même temps je ne me sentais pas à même de tenir aussi pour de bonnes raisons - malgré tout, il présentait le végétarisme comme un «choix personnel».

Guy a beaucoup joué aussi sur son grobide, sur son aspect assez babar et rustique, pour se moquer de l'image traditionnelle du végé squelettique. À la fin, Lucile a eu la bonne idée aussi de rappeler que les végés sont tous différents, «aussi différents que vous», pas tous d'accord sur les chiens végés (Bandit avait été à la fête) etc.

E.n.o.s. a eu la bonne idée d'inviter à la fin du débat tous les enfants de la colo à manger le lendemain soir avec nous, ce qu'ils ont fait et, je crois, beaucoup apprécié. Une mono a aussi eu la gentillesse de nous rendre la pareille le samedi avec un super bon couscous et d'autre bouffe, réservée à ceux qui étaient restés ranger:-)

J'ai filmé une bonne partie des discussions entre Guy et les gamins, avec l'option «film» de mon appareil photo, c'est-à-dire que c'est des bouts de film d'une minute maximum, avec un son mauvais (on entend quand même quand il parle lui). Un mono m'a demandé à la fin de ne pas diffuser les photos ni les films sur le Web, c'est pourquoi tout ça n'est pas sur le site.

Il y a quand même eu quelques tensions avec certains monos, semble-t-il. Une à la sortie parlait à notre sujet de «propagande». D'autres, semble-t-il, craignaient surtout la réaction des parents.

Tout le monde était assez impressionné par cet après-midi, je crois.

Malheureusement, après cette discussion entre Guy et les ados, il y a eu une pause et presque tout le monde s'est égayé dans la nature, dont moi-même. Sans avoir vraiment capté que Guy avait préparé une suite, une série de diapositives. Guy s'est beaucoup plaint après du fait qu'il n'y avait qu'une dizaine de personnes pour regarder un travail qu'il avait mis beaucoup de soin à mettre au point. Malgré tout le bien qu'on lui disait de sa prestation de l'après-midi, il est parti assez fâché, aussi en raison de nos «délires», disait-il, à propos de la prédation. Alors que j'avais eu l'impression que ces délires, il avait fini par en admettre la validité, la légitimité, même sans aller jusqu'à les partager. Dommage.

Jean-Claude Hubert et le CVN (jeudi 11 matin).

Jean-Claude Hubert est arrivé le matin même et est reparti rapidement après. Le dialogue, me semble-t-il, n'a pas vraiment été réussi. Il semblait très préoccupé par des questions de civilisation et de numérologie, c'est pas mon truc et je ne savais pas trop quoi lui dire.

Jocelyn Peyret et Yves sur l'écologie (jeudi 11 après-midi).

Exposé assez classique. Un thème qui a été évoqué «par la bande» un peu toute la semaine, mais lors de cet après-midi qui y était explicitement consacré, j'ai eu l'impression qu'on tournait un peu en rond. J'ai eu le sentiment qu'Yves n'avait pas vraiment dégagé l'idée-force d'une écologie non spéciste, mais peut-être que c'est juste une impression personnelle.

Moi sur la démocratie et q.a. (vendredi 12 matin).

Vraiment l'exposé le plus super bien de la semaine. Non, je plaisante. J'ai longtemps causé, avec les transparents PowerPoint que j'avais fini par préparer la veille, et je suis content d'avoir réussi à m'appuyer sur les transparents sans que ça me bloque. Sinon, les gens ont trouvé clair ce que je disais, mais en même temps j'ai eu l'impression d'avoir été assez superficiel. Bon, ça ne vous dit pas ce que j'ai dit. Je peux fournir les transparents et l'enregistrement à qui veut. Je pense aussi essayer de rédiger un article à partir de cela.

Disons juste que j'ai consacré une large part de mon exposé à une dissection de ce qu'est croire une chose, au fait qu'il ne s'agit pas d'un acte volontaire, au fait que croire X correspond à un avis - variable suivant les individus - sur la vérité ou fausseté - universelle, non variable suivant les individus - du fait X. J'avais peur que les gens ne voient pas le rapport, mais je crois que si, au moins un minimum. Lucile m'a dit que j'avais bien causé, et que pour ça elle acceptait de me ramener en voiture à Lyon le lendemain.

Les diverses interventions artistiques (plusieurs soirées).

Elles ne m'ont pas laissé un souvenir très fort. J'ai raté Michelle Bernard, ce que je regrette pour des raisons personnelles, mais il me fallait préparer mon intervention. J'ai décroché lors de la lecture d'un texte par Joëlle Jail, mais c'est surtout moi qui ai des pb d'attention et de fatigue. D'autres l'ont bien aimé, mais je n'ai pas l'impression d'un rapport évident avec la question animale. Idem pour le texte de Bijou. Quant aux films présentés le dernier soir, j'ai trouvé celui de Dae Bum très problématique (faire souffrir une mouche), et très problématique notre incapacité à enclencher un dialogue, à faire un pont avec les questions «artistiques». Le film d'e.n.o.s. ne faisait souffrir personne, mais là aussi j'ai eu du mal à faire le lien.

Je crois que la question artistique est importante, mais qu'il ne suffit pas de la juxtaposer avec la question animale pour qu'il se passe quelque chose. Il y a aussi une dose très forte d'humanisme et d'idéologie dominante dans l'art, et si on n'ose pas critiquer cela, on en restera à sourire et à dire oui oui j'ai aimé (ou pas).

Réunion bilan (vendredi 12 après-midi).

Parmi les choses non faites, je note juste qu'on n'a pas vraiment parlé de faire les transcriptions, comme on faisait par le passé chaque année. Dommage, mais en même temps c'est une conséquence logique du fait qu'on a toujours parlé de les faire, mais jamais faites, à part pour quelques textes. Ça me rappelle aussi que je suis le webmaster du site, et qu'il aurait fort besoin d'être réorganisé, rationalisé, complété, y compris pour la visibilité des transcriptions existantes des années précédentes.

Beaucoup de gens ont râlé qu'il y avait trop de choses. Sans aller jusqu'à ce que propose Yves - une seule discussion pleinière par jour, plus des discussions sur le même sujet en petits groupes l'après-midi - je pense qu'il faut alléger, et par exemple se tenir à deux exposés par jour au lieu de trois; un le matin, et un autre l'am ou le soir. Je trouve bien l'idée de faire sur dix jours, par exemple en commençant le vendredi 4 août (accueil des gens et mise en place de l'organisation) et en terminant le lundi 14 (nettoyage, départs). Cela ferait 9 jours de débats, soit 17 présentations + la réu bilan. L'idée me semble bonne de faire un effort pour que le 1er we soit assez accueillant pour les autochtones, sans débats trop extraterrestres. Ceci dit, je ne sais pas trop ce qu'est un débat «extraterrestre», c'est sans doute avant tout une question de présentation, de forme.

Antoine a émis l'idée de consacrer chaque année à un thème. Je pense que c'est à voir. Peut-être qu'on peut consacrer l'année prochaine à l'art, en essayant comme je le disais d'aller plus loin que la juxtaposition?

En tout cas, même s'il y avait des réserves, je trouve que SJMM est un bon endroit pour que les Estivales y prennent racine.

Voilà, j'ai tout dit ce qui me venait à l'esprit, à peu près.